raconte moi ton histoire

Voir l’acide brûler sa peau et sa tête. Apprendre par cœur le kamasutra. Fumer un joint qui a quatre têtes. Prendre son pied en regardant les nuages bouger par le vent. Approche d’une cage de lions dans un zoo. Attraper la grippe sans savoir qui nous la refilait. Vivre dans un igloo à la rencontre des esquimaux. Chanter des chansons paillardes jusqu’à quatre heures du matin. Parler à son mari qui n’existe pas. Suçer un mec qui a de l’herpès. Embrasser un crapaud qui se change en travelo. Tromper sa meuf avec sa sœur. Partir dans un pays dont on ne connait pas la langue. Crier un peu partout qu’on aime la cocaïne. Ordonner aux arbres d’arrêter d’être vert. Marcher dans la rue en mettant un pied devant l’autre. Vivre ou mourir.

Le premier baiser. Une fille dans un coin de rue. Elle avait treize ans, il en avait quatorze. Il avait envie de sortir avec elle, et elle avait envie de sortir avec lui. Ils se sont embrassés dans le coin d’une ruelle, vers midi, à Monaco, à côté d’un vendeur de kebab qui hurlait à tout bout de champ. Et comme elle portait un appareil, et comme il portait un appareil, c’était plutôt la collision entre deux trains qui s’étaient effectués. Ils sont sortis ensemble trois semaines. Mais à 14 ans, un garçon ne voit que des nichons à la place de la tête d’une fille. Alors il a voulu la baiser. Et il n’a pas pu, elle n’a pas voulu. Alors il l’a largué. Mais c’était comme ça que ça se passait. Il n’avait pas envie de se prendre la tête. On ne se prend pas la tête quand on a 14 ans. Car on est jeune et trop innocent. Et à part les pornos et les steaks, on n’aspire à rien, dans la vie.

La première fois qu’on prend de la drogue. Ils étaient deux. Deux potes qui passent leur temps à trainer à ensemble, comme de simples gosses. Et ils avaient un joint entre les doigts. Qu’est ce que c’était ? Ils n’en savaient rien. Alors ils l’avaient allumé et ils avaient commencé à la faire tourner pour que chacun leur tour, ils puissent se défoncer avec ce pétard. Et un pétard s’enchaine toujours du deuxième. Le deuxième s’enchaine sur le troisième, et c’est comme ça qu’Alex est tombé tout droit dans le cercle vicieux de la drogue. Les soirées s’enchainaient, la drogue tournait, l’alcool coulait, le sexe… baisait. C’était juste une chose folle.

La première fois. Elle était brune. Tout à fait dans son style. Il avait tout prévu. Un superbe hôtel, des pétales de roses, du champagne, un super boxer, une nuit étoilée, une pleine lune superbe. Sauf que ce n’était pas vrai. A quinze ans, il avait commencé à tester un peu toutes les drogues qui lui passaient sous la main. Et c’était comme ça qu’il s’était retrouvé dans la culotte d’une femme de trente ans. Une soirée, une putain de soirée de fou. Et son pucelage enlevé, il appela Abbie en vitesse pour lui annoncer la bonne nouvelle. C’était sa meilleure amie. Et il lui avait raconté dans les moindres détails. Elle avait compris que cette femme avec qui il avait couché, c’était une amie de sa mère, et elle lui avait fait comprendre qu’il devrait éviter de recommencer. Mais elle avait trouvé la situation plutôt drôle. Elle était morte de rire en fait. Quand il lui avait dit qu’il avait éjaculé trop rapidement, elle s’était tapé une barre. Bon. Il avait eu honte, mais c’était un truc à raconter plus tard, quand on serait vieux.


C’était fatiguant. De marcher, de penser, de chercher, de pleurer, de sourire, de crier, de rouler, de fumer, de boire, de manger, de dormir, de bouger, d’essayer, de comprendre, de se calmer, de prendre et de donner, de vivre, de survivre… Il était épuisé. Il avait envie d’être quelqu’un d’autre pour prétendre à accepter sa nouvelle condition. Il allait devoir se trouver un travail, une maison ou un appartement, se faire des amis, des amours, des amantes, des personnes en qui il pourrait bientôt avoir confiance. Mais c’était trop difficile de se remettre de tout ça. Les cauchemars, les souffrances, les crises d’insomnie, mais aussi les bruits sourds qui font peur et qui font hurler. Les sensations qui font trembler et les médicaments qui rendent fous. Avait-il besoin de ça pour se soulager un peu ? Il ne connaissait personne dans sa situation, et il avait peur d’effrayer les gens. Il n’approchait pas les autres car ils savaient qu’ils ne comprendraient pas. C’était différent de ces sensations de tous les jours. Les gens ne voyaient pas sur votre front que vous étiez traumatisé, mais ils comprennent en regardant dans vos yeux que vous n’étiez plus trop humain. Samuel était devenu mi-homme, mi-taupe. Il se cachait, il se faisait oublié du monde pour comprendre ce qui lui était arrivé, mais personne n’avait envie d’aider un pauvre camé qui ne vivait que dans son passé démoniaque.